Texte écrit le 12 décembre 2011
Je marche au centre-ville de Montréal,
vaquant à mes occupations habituelles, souvent pressé et à la recherche d’un
café. Mais j’en viens à me sentir oppressé par un mal qui croît, là, à l’ombre
des restos, des boutiques, des salles de divertissement et de l’indifférence.
Cette tristesse me prend dès que je sors d’un métro, dans ou près du centre de
la ville, et me suit jusqu’à ce que je sois à l’intérieur des bâtiments bien
surveillés!
Parfois ils ou elles sont un peu épeurant,
parlent au vide, nous jettent des regards hagards ou crient à tue-tête une
détresse, quasi tangible. Parfois ils sont en filigrane sur le décor urbain,
couchés dans l’ombre, peut-être à demi morts, parti dans les suites d’une
injection qui traîne maintenant à mes pieds. Une fois même, une de ces bêtes
s’accote sur le mur d’un théâtre respectable et défèque devant les passants,
ahuris, qui s’efforcent de regarder ailleurs. Elle n’est plus cachée, la
détresse. Elle fait partie de mon quotidien; du quotidien de millions de gens
qui passent par les mêmes endroits que moi.
Moi-même, je fais partie des plus pauvres
au fond. Étudiant bénéficiaire du programme gouvernemental de prêts et bourses,
fatigué par l’accumulation des horaires contraignants de stages, travaux et
boulots (les derniers me permettant de faire les deux premiers!). Pourtant, je
me sens totalement coupable et impuissant face à cette détresse qui me saute au
visage à tous les coins de rue. Mon avenir est théoriquement assuré : je
suis en santé physique et psychologique, j’ai des amis, des passions et des
rêves fous auxquels je peux aspirer. Pourtant, je ne suis pas à l’abri des
accidents, de la maladie mentale ou physique, des drames familiaux, amicaux, de
l’économie en dents de scie. S’il m’arrivait quelque chose, si je perdais
espoir et dignité, si moi aussi je me retrouvais à la rue dans dix ans, y
aura-t-il quelqu’un pour me venir en aide et m’aider à me relever?
L’itinérance a fait sa place à l’ombre de
l’opulence, a crû à cause de notre indifférence et de celle de nos élus. Le
passant est impuissant et, par défaut, tolérant face à cette détresse du
quotidien. Pour avoir de très riches humains, il faut avoir de très pauvres
humains. Et quand la collectivité n’est plus là pour forcer les uns à redonner
aux autres, ils ne le font plus. Ces gens devraient être soutenus pour de vrai,
afin de les sortir de la rue. Des équipes d’intervenants qualifiés devraient
être dans les rues à leur parler, les soigner, les transporter vers des
endroits chauds, à la manière du SAMU parisien. Des moyens devraient être
augmentés pour les soins et les suivis psychiatriques, afin d’éviter des événements comme la fusillade du 6
juin dernier, lorsque la police a ouvert le feu sur Mario Hamel un sans-abri en
pleine psychose, et tué un passant. Quand les choses bougeront-elles?
Aucun commentaire:
Publier un commentaire