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mardi 3 septembre 2013

Rentrée scolaire : Cinq mesures pour de meilleurs enseignants

Un premier article publié dans Le Devoir. Ça fait bien plaisir de voir une de ses propositions enfin sélectionnée :)

Il faut préciser que le titre a été changé, et l'introduction écourtée. Voici le texte intégral que j'ai envoyé :


La réussite scolaire au Québec : une affaire de bons enseignants

La rentrée scolaire approche à grand pas, et la conversation médiatique au sujet de l’éducation au Québec devrait rapidement reprendre l’effervescence annuelle qu’on lui connaît. Mais avant de sauter à pieds joints dans ce tourbillon, mettons en perspective l’ensemble des débats qui auront cours pour tenter d’abord de revenir à l’essentiel : l’enseignant.

Les enseignants dénoncent fréquemment le manque de considération dont ils font l’objet, autant de la part des médias que de celle de la population en général (dont des parents d’élèves). Le plus grave est certainement le manque de considération qui provient de l’appareil de gestion de l’éducation, qui cherche résolument la solution à ses problèmes dans l’augmentation constante et progressive de la tâche des enseignants, tel une entreprise qui cherche à augmenter la productivité de ses ouvriers. Mais le problème fondamental derrière ce paradigme économique, c’est que le résultat de l’entreprise éducative n’est pas un produit, mais un service; et que le service éducatif dépend presque uniquement de l’individu qui le conçoit, le planifie et l’opère : l’enseignant. Malheureusement, les outils de gestion utilisés jusqu’à ce jour pour augmenter la réussite scolaire des élèves (voir à ce sujet l’aberration des « contrats de performances » imposés aux écoles, commissions scolaires et universités) ont eu l’unique effet dévastateur de déconsidérer et démotiver les enseignants en réduisant le résultat de leur travail à la simple moyenne des notes de leurs élèves.

À un problème énorme, des solutions ciblées
La sélection, la préparation et le soutien de l’enseignant sont les seuls vrais leviers auxquels le monde de l’éducation peut recourir pour améliorer ses « performances ». La recherche en éducation nous indique en effet que le facteur de réussite le plus important en milieu scolaire demeure sans contredit l’enseignant(e). On sait maintenant que peu importe les ressources, les programmes ou les approches mis de l’avant par l’école, ce sont les qualités intrinsèques de chaque enseignant(e) qui auront le plus grand impact sur la réussite des élèves. Alors la question qui devrait toujours accompagner les actions de l’État en matière d’éducation devrait être la suivante : comment pouvons-nous faire en sorte que nos enseignants soient les meilleurs possible? Voici un rappel des principales pistes de solutions :

1. Améliorer la sélection des candidats à la formation universitaire
Il aurait lieu d’exiger davantage de la part des nouveaux admis en enseignement. D’abord un test de français et de connaissances générales devrait être exigé de chaque candidat avant l’admission (et non en cours de formation comme actuellement). Ensuite, une entrevue devrait être obligatoire pour tous. Finalement, la cote R minimale pour entrer en formation devrait être fixe et élevée, quitte à ne pas remplir toutes les places réservées aux candidats collégiens et augmenter le nombre de places pour les candidats adultes ou issus d’autres programmes universitaires.

2. Augmenter le niveau de difficulté du baccalauréat et exiger davantage des étudiants en enseignement
La formation universitaire des enseignants est de plus en plus reconnue pour la facilité déconcertante avec laquelle les étudiants réussissent à passer au travers. Sachant que les enseignants détiennent un pouvoir redoutable sur les développements social et psychologique des élèves de leur classe, est-il admissible que leur formation n’exige pas le meilleur d’eux? Non, la formation universitaire devrait plutôt être redoutable et pousser les futurs enseignants à se dépasser, tout en leur offrant le plus grand bagage de connaissances possible.

3. Augmenter les salaires
Une revalorisation du travail enseignant passe inévitablement par une hausse substantielle des salaires. C’est connu, de meilleurs salaires attirent automatiquement de meilleurs candidats. Mais au-delà de cette considération majeure, ne serait-il pas juste d’augmenter la rétribution des agents de notre éducation publique, considérant les impacts sociaux, démographiques et économiques de leur travail professionnel?

4. Professionnaliser – vraiment –  la pratique enseignante
Contrairement à toutes les autres professions dont l’exercice met l’intégrité psychologique et physiologique d’un être humain en jeu, l’enseignement n’est pas encadré et régit par un ordre professionnel. Actuellement, les trois institutions qui font ce travail morcelé – le ministère de l’éducation, les universités et les syndicats – sont soumises aux fluctuations politiques et sociales et, par conséquent, agissent selon des intérêts qui peuvent changer. Regrouper les questions relatives à l’acte d’enseigner (par exemple : l’éthique professionnelle et les responsabilités du praticien) au sein d’un seul organisme apolitique ayant les coudées franches pourrait non seulement accroître le sentiment de protection du public, mais également favoriser le plein développement et l’affirmation professionnels de nos enseignants.

5. Entourer et soutenir les enseignants
Les enseignants sont épuisés; c’est ce que confirment les études récentes sur la qualité de vie des enseignant. Les entourer et les soutenir signifie ne jamais les laisser seuls dans leur classe, à souffrir le poids de la réussite de leurs élèves et leur propre réussite professionnelle. Tous les enseignants, en particulier les novices, devraient bénéficier d’un suivi hebdomadaire bienveillant qui passe en revue leur travail pédagogique et aide à résoudre les problèmes. De plus, à défaut de pouvoir réduire les ratios maître/élèves, il serait bénéfique de mettre à la disposition des enseignants de l’aide quotidienne dans la planification et la réalisation d’activités d’enseignement. Cette aide pourrait prendre plusieurs formes : orthopédagogues, éducateurs et psychoéducateurs, parents bénévoles, stagiaires et aides-enseignants.

En guise de conclusion, notons que l’apparente rigidité du système d’éducation et de ses acteurs est souvent invoquée pour justifier l’immobilisme politique dans ce domaine. Mais en réalité, de nombreux acteurs se mobilisent quotidiennement pour faire de nos écoles un monde meilleur. Il faut maintenant rétablir les liens entre les « professionnels » de l’éducation et les dirigeants du système. Bien qu’elles soient orientées uniquement vers l’enseignant, les solutions proposées ici sont entièrement appuyées par la recherche comme favorisant, en bout de ligne, la réussite de tous nos élèves. N’est-ce pas là le slogan répété, année après année, par nos ministres de l’éducation?

 
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